Une plaque commémorative de Placide a été inaugurée par Bernard au 26 avenue de la Gare en présence de Louis, Jean et Christine, de quelques représentants des associations fondées par Placide et des médecins de la famille.

Hommage à Placide Nicod

Pionnier de l’Orthopédie

par Bernard Nicod

Nous avons pensé que le centenaire de la nomination de Placide Nicod comme médecin-chef de l’Hospice Orthopédique (1905-2005) était le bon moment pour vous inviter à découvrir la plaque commémorative que nous avons édifiée à sa mémoire.

Décédé en 1953 (il y a 52 ans) plus personne ne s’intéresse vraiment à lui. Aujourd’hui, l’objectif  est de rappeler ce qu’il a entrepris grâce à ses mérites personnels.

Citons d’abord l’Hospice Orthopédique. Cette Institution, fondée en 1876 par Henri Martin. En 1903, le Comité Suisse nomme Placide médecin adjoint puis médecin chef en 1905. Le pionnier va agir …

Dès 1905 et pendant 22 ans, date de l’inauguration du nouvel établissement à Montagibert, Placide Nicod a dû lutter avec une énergie farouche pour le maintient de l’Hopital Orthopédique qui actuellement est une clinique universitaire des plus réputée en Suisse.

Non seulement, le Professeur César Roux était un adversaire farouche de l’orthopédie, car il voulait maîtriser toute la médecine, mais son successeur, le Professeur Pierre Decker l’était également. Ils prirent une position négative sur l’orthopédie opératoire. Lors de la présentation d’un cas en 1935, Pierre Decker disait “chez un tel malade, un “charlatan”  pratique une greffe para-articulaire”. Les étudiants avaient tout de suite compris de qui il s’agissait ! Quinze ans plus tard, le même Professeur déclarait dédaigneusement  “dans cette situation un “cordonnier” conseille d’opérer le malade” … malgré cette adversité, l’Hôpital orthopédique se développa à un rythme très enviable. C’est une institution privée qui travaille en collaboration avec le CHUV, son médecin-chef étant Chef du Service de Traumatologie de l’appareil moteur au CHUV. Les successeurs de Placide Nicod ont été remarquables.

Pendant 49 ans, il a soutenu la Clinique Bois-Cerf. Il y hospitalisait ses malades  privés, dans certains cas les opérait. La réputation de Placide Nicod comme pionnier du traitement des séquelles de poliomyélite a amené à Lausanne de nombreux Confédérés. A l’étranger l’excellence de son travail se répandit comme “une traînée de poudre” et de très nombreux patients européens et des cinq continents se rendirent à Bois-Cerf. La clinique était la plupart du temps pleinement occupée par ses malades. Dans le public certains l’appelaient “la Clinique Nicod”. Un aristocrate français écrivait : les médecins suisses sont simples et obligeants, mais si Lausanne est la Mecque européenne de la médecine, c’est aussi grâce au charme de la nature, au confort de leurs hôtels et à la modicité des honoraires due au fait qu’en Suisse la vie est remarquablement bon marché ! ça a bien changé !!! Actuellement Bois-Cerf est l’une des cliniques des plus appréciée de Lausanne.Plusieurs orthopédistes collaborent avec elle et plusieurs Professeurs à la retraite s’y sont installés.

Le bâtiment devant lequel vous vous trouvez a été construit en 1912 par Placide Nicod. C’est le premier bâtiment en béton armé de Lausanne. Placide y avait installé son cabinet de consultations et l’avait doté d’un important Institut de Physiothérapie équipé d’une douzaine d’appareils de kinésithérapie active destinés à développer la musculature en opposition à la kinésithérapie passive qui cherchait à augmenter la mobilité articulaire. Cet institut était l’un des plus modernes d’Europe. Entre 1912 et 1953 on dénombrait quotidiennement une centaine de patients. Les habitués appelaient alors la halte du tramway “l’arrêt Nicod”. Le jeudi et le samedi matin, il y avait des consultations gratuites! Un jour, il corrigea d’une fessée une hystérique qui prétendait être atteinte de paralysie. Le châtiment corporel fut salutaire puisque la paralysée s’échappa en courant !!! Dans cet Institut on y soignait de nombreux paralysés et c’est ici qu’André Trannoy, en 1925, avec un esprit très charismatique, a créé “L’Amicale des Paralysés”.

Suite à la déclaration de la guerre et à la fermeture des frontières André Trannoy fonde en 1939 l’Association des Paralysés de France et en 1942 les membres Suisses de l’Amicale ont fondé l’Association des Paralysés et Rhumatisants. Ces deux associations ont eu une grande importance. Dans l’Hexagone, construction de nombreux foyers pour handicapés, influence importante sur la préparation de la législation concernant les handicapés.En Suisse, l’association a créé

  • deux institutions dans le Canton de Vaud : Plein Soleil à Lausanne et Les Eglantines à Vevey
  • trois foyers handicap dans le Canton de Neuchâtel
  • deux foyers “Valais de Coeur” à Sion et à Sierre
  • trois instituts en Suisse allemande : Wetzikon, Reinach et Gwadt

“Faire Face” leur journal renseigne ses membres sur leurs problèmes politiques, sociaux et associatifs.

En 1940, dans le bureau de Placide Nicod se réunissent 7 membres de la Commission romande de PRO INFIRMIS qui décident d’y créer différents services dans tout le Canton. Placide Nicod est nommé Président. En 1947, Placide Nicod prend sa retraite de l’Hôpital orthopédique. Un an plus tard Pro Infirmis le charge comme Président de s’occuper de leur Office d’intégration pour handicapés. Cette institution devenue très importante compte à son actif les centres d’environnements professionnels de Morges, de Pomy, de Ropraz et du Pont-de-la-Morges en Valais. Son successeur à la Présidence fut le Conseiller Fédéral Bonvin.

Hommage à toutes ces Institutions dont le seul but est de faire du bien.

Au cours de la Première Guerre mondiale, Placide Nicod n’hésita pas à se dévouer bénévolement en faveur des soldats blessés. Entre avril 1915 et août 1917, il se rendit 78 fois en France dans un Hôpital militaire à Valence. Quelque cinq mille soldats blessés profitèrent de ses soins. En raison des nombreux services rendus, il devient Officier de la Légion d’honneur et Commandeur de l’Ordre de la santé publique de la République française. Il reçu également la médaille d’Albert, roi des Belges.

En 1918, Placide Nicod avait contracté la grippe espagnole. On craignait le pire ! Alité, entouré de sa chère Marie et de ses 9 enfants, il fit le voeu que s’il vivait encore à l’âge de 65 ans, il ferait don à sa paroisse de ses revenus annuels… Si vous entendez sonner les cloches de la Basilique Notre Dame de Lausanne au Valentin vous aurez compris que son voeu a été exaucé !!! Il fit placer les cloches dans la tour de l’église malgré l’interdiction de la Loi 1810.

Permettez-moi et j’espère que mon père qui ne voulait que l’on parle que du sien ne m’en voudra pas …  mais je ne peux pas passer sous silence cette continuité médicale.

Le Patriarche qui aimait tant sa Marie a eu 9 enfants, dont 2 fils et 2 beau-fils médecins. Trois sont avec nous aujourd’hui : le Professeur Louis Nicod, Madame Christine de Preux  … ils sont assis … alors que le Père Jean NIcod qui n’a pas oublié les préceptes de son extraordinaire patron, le Pape Jean-Paul II “levez-vous” … est debout. Ces 9 enfants eurent 33 petits enfants.

Placide Nicod n’hésitait pas remettre en place son propre fils Louis… son successeur…, il avait pourtant une admiration profonde et une estime particulière pour son fils aîné. Quelques mois avant sa mort, en présence de tous ses enfants, le père tint à prononcer ces paroles:  “Sache, Louis, que tu ne m’as jamais fait de peine”.

Le Docteur François Nicod fut un très grand médecin et ses deux beaux-frères, le Docteur Raoul de Preux et le Docteur Camille Gross avaient une grande notoriété.

A la troisième génération sont parmi nous aujourd’hui le Professeur Pascal Nicod, éminent médecin, le Professeur Laurent Nicod fort connu et les Docteurs Michel et Gilbert Gross et le Docteur Jean Dauchez. Tous ces médecins ont une grande réputation. A la quatrième génération, il y a pour l’instant les docteurs Marie Nicod et Lambert de Vries… d’autres suivront.

Nous ne saurions conclure cet hommage sans rappeler le témoignage d’un grand malade, Guy Crescent. Je cite :

“Moi, l’ectoplasme, répandu sur cette table comme un polichinelle en chiffon, j’ai compris très vite que le moment était décisif. Je savais que je devais intervenir, tourner le sort en ma faveur, mais comment faire ? Je n’avais que mes yeux pour le dire, j’ai cherché les siens, me suis planté dedans. Je l’ai vu réfléchir, peser le pour et le contre en tâtant mes muscles inexistants, vu hésiter, le front plissé de mille questions. Et j’ai vu son regard accepter le mien. J’ai eu l’impression que cet échange durait l’éternité, que nous nous engagions dans je ne sais quel serment réciproque, un instinct, appelez ça comme vous voulez, une rencontre. J’aurais donné n’importe quoi à cet instant pour qu’il me garde. Puis il s’est tourné vers ma mère et il a dit en souriant : Je vais essayer. Il avait compris ma prière muette et toutes mes promesses. Moi aussi, j’allais essayer! Du jour au lendemain, toute mon existence a été bouleversée. Et puis, je me suis mis à marcher, du moins ça commençait à y ressembler. J’avais tout à apprendre, mais ces pas-là, pour moi, mettaient enfin le monde à ma portée.

A neuf ans, j’ai connu ma première victoire officielle, le baptême du feu en quelque sorte. C’était à un congrès international à Genève. Un certain nombre de tables avaient été dressées, représentant chacune un pays dont le petit drapeau flottait au centre. Il y avait dix médecins par table, et dix dossiers préparés devant eux, dont le mien.

Le Docteur Nicod m’avait prévenu à voix basse : “Tu restes là, tu ne bouges pas avant que je te fasse signe”… Et quand il a dit “viens”, j’ai marché. J’avançais comme je pouvais entre les tables, arrêté par les uns, palpé par les autres, scruté comme une impossibilité technique, un phénomène de foire. J’entendais : “mais ce n’est pas possible que ce soit le même! Pourtant, nous avons là ses radios depuis trois ans … Incroyable!” Et j’avançais toujours, maladroit, empêtré dans mes gestes comme l’albatros de Baudelaire pris au piège des hommes, mais fier, la tête droite, l’esprit tendu vers un seul but, les bras de mon sauveur, là-bas, à l’angle opposé de l’enceinte. Je savais qu’en marchant je lui rendais, à ma manière, un peu de ce qu’il m’avait donné. Il m’avait choisi pour ça, pour être le champion de sa cause, pour montrer aux autres praticiens que sa méthode était bonne. Je marchais avec toute la reconnaissance qu’un enfant peut accumuler dans son coeur en près de cinq années. Et quand enfin j’ai pu l’atteindre, j’ai bondi dans ses bras et j’ai éclaté en sanglots”.

 Lausanne, le 27 octobre 2005