A Jacques,

Il a sût partir comme il vivait: Seul et sans bruit.

Jacques n’était pas comme les autres.

Oh, bien sûr, il n’est pas facile d’émerger dans une grande famille de 11 enfants! Tous différents mais si complémentaires. On y trouve de grands médecins, des femmes et des hommes de prières, un homme de lois, des mères de famille, des artistes, mais tous on un sens commun: L’amour de la vie, la sincérité et l’envie d’avancer. Pour nous, quand on parle «des GROSS», cela induit l’idée d’une famille à part, comme nous n’en connaissons qu’une. Un assemblage quasi impossible entre les Cantons de Vaud et du Valais. Une famille bouillonnante d’idées, tout le temps, et la ferme volonté d’en faire partager les autres. Donc un état permanent de recherches, d’hostilité s’il y a des difficultés, allant mème jusqu’à des idées de meurtre en cas de besoin, mais comme on le dit des roses, ces idées sombres ne durent qu’un jour, l’histoire d’un instant. Une parfaite transcription de Papa Camille et Marguerite !

C’est ce qu’a vécu Jacques, et je le sais parce qu’il me l’a confié un jour, en Août 2017 dans sa villa construite en commun avec Maria Helena qui en était l’âme. Il y avait cette petite pièce ou siégeait un ordinateur, celui de Maria Helena, partie, hélas, depuis plusieurs années. Il était resté allumé depuis ce jour ou elle s’était éteinte. Sur l’écran, une image fixe, comme l’éternité. Avec Claude on ne savait pas quoi dire devant une telle émotion. Jacques nous a dit qu’il ne voulait pas l’éteindre, comme si elle allait revenir! Il avait aimé son épouse par dessus tout, au point ou plus rien ne le raccrochait sérieusement à la terre après son départ.

Son existence familiale a été parfois difficile, contrariée, à ses yeux du moins, par la non-reconnaissance par les autres de sa finesse de sentiments. Dans sa tête il vivait beaucoup au Brésil, terre natale de Maria Helena ou vivait sa famille. Il l’avait attendue avec tellement de patience!

Jacques avait un gros penchant pour Claude, mon épouse, et lui livrait des secrets que je ne connais pas. C’était bien, parce que j’avais les mêmes penchants! Ça nous rapprochait.

Jacques à vécu souvent douloureusement dans son corps malmené, seul à prendre ou non des décisions de se soigner. Ce corps lui laissait peu de répits et, peut-être est-ce une des raisons de son départ en solitaire, sans prévenir, comme pour ne pas déranger.

Comment oublier la phrase célèbre de Papa Camille pour signifier la fin d’une réunion:
« Marguerite, c’est l’heure »
et comment ne pas associer cette phrase à la dernière journée de Jacques qui s’est doucement, instinctivement rapproché de Marie Helena pour lui dire qu’il arrivait! Seul, Jacques tu pourrais répondre mais tu ne le feras pas. Tu es déjà dans ses bras.

Pense à nous de là haut. Nous t’embrassons.

Claude et Yves
Sainte-Foy-Les-Lyon, le 24 février 2022

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Cher Jacques,

Il est vrai qu’en se rencontrant à mon arrivée à Lausanne en 1991, je ne pensais pas du tout qu’on créerait une aussi profonde amitié.

Nos familles avaient, à travers Lausanne, les Mayerns de Sion, Einsiedeln, Saint Gall ou le Brésil, à travers la médecine, l’art et l’architecture déjà plusieurs liens et s’est ainsi que nous nous avions vite découverts tellement de points communs.

Après tes études d’architecture couronnées par un diplôme de l’EPFZ, c’est en 1974 que tu es parti au Brésil. C’est aussi là-bas que tu y a rencontré Maria Helena.

Oui, l’architecture n’est pas toujours une chose facile. Et comme moi, tu n’as pas toujours eu des discussions aisées ou commodes – aussi avec ta famille – sur la vision moderne, mais toujours emprunte de clarté, de lumière et de matérialité contemporaine pour essayer de réaliser les nombreux ouvrages – dont beaucoup sont des vrais petits chefs d’œuvre – au fil de ta longue carrière.

Le départ de Maria Helena en 2014 était vraiment une épreuve pour toi. Cela nous apaise de savoir que tu l’as rejointe.

Dans son texte «Les yeux ouverts », Marguerite Yourcenar nous amène à rester humble et émerveillé devant la vie, mais aussi devant la mort qui est une partie naturelle de celle-ci. Pour garder une attitude active de la vie, il ne faut pas avoir peur – dit-elle – de «peiner et lutter jusqu’au bout, nager dans la rivière en étant à la fois porté et emporté par elle, et accepter d’avance l’issue qui est de sombrer au large». Cest ainsi – poursuit-elle – qu’il faut, même si on a une certaine répugnance instinctive à le faire, penser amicalement à sa mort.

C’est aussi ce que j’ai appris, grâce à toi chère Jacques, ces deux dernières semaines.

Et qui sait ?
au revoir, cher Jacques

Francois, un ami
Sion/St Gall, Lausanne le 24 février 2022

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16 février 2022 chez Jean-Pierre et Reyes à Jouxtens