Toute la famille a participé à l’élaboration de ce texte qui est un petit condensé de souvenirs avec notre Alix.

Chère Alix,

Enfant, tu étais un véritable garçon manqué, et tu as très longtemps cru au Père Noël. Tu lui écrivais de longues lettres pour demander un camion, un train électrique, des BD, des billes et, pour satisfaire aux convenances qui voulaient que tu apprécies les jeux de filles, tu terminais la liste en demandant un vêtement pour ta poupée, un garçon bien sûr, baptisé Jacques !

Parmi tes nombreux talents d’écolière, tu savais parfaitement imiter les signatures de tes parents Raoul et Christine, ce qui pouvait occasionnellement être très pratique pour éviter d’inutiles réprimandes à propos de mauvais carnets de notes et en plus, tu n ‘hésitais pas à en faire profiter les autres !

A vingt ans tu te transformais en une véritable reine de beauté avec de magnifiques cheveux blonds coiffés en chignon années 60, un sourire éclatant et de longues mains effilées. Tu adorais déjà les enfants et devenais la marraine de ta première nièce Isabelle avec qui tu as toujours entretenu une relation d’affection et de confiance. D’ailleurs tous les enfants et petits-enfants de la famille aimaient venir te rendre des visites confidentielles qui leur permettaient de se livrer à toi et de recevoir tes conseils bienveillants.

Tu adorais jouer avec ton petit frère qui avait onze ans de moins que toi. Un jour où vous vous poursuiviez à la salle à manger, il t’a lancé à la tête une boîte de legos. Avec habilité, tu as esquivé le projectile qui est allé transpercer la panse de la cuisinière endormie sur le grand tableau de Snyders dont ton père était si fier. Autant dire que ce soir- là, le retour de Raoul a été compliqué !

Dans ton laboratoire de photo à la cave où tu as appris à Patrick la magie du développement, tu avais créé ton propre projecteur que tu avais surnommé l’Alixophot ! Tu es devenue photographe diplômée de l’école de Vevey, et plus tard assistante en radiologie.

Les films de Cousteau te fascinaient et tu as décidé de te mettre à la plongée. Tu as pris des cours dans le lac et en décembre tu es allée avec ton professeur planter un sapin à trente mètres sous l’eau. Tu es rentrée bleue de froid ! Ton beau-frère Patrick admirait ton courage. Heureusement plus tard, tu as plongé avec lui dans des eaux plus chaudes et plus accueillantes. Toute ta vie, tu as été une amoureuse de la nature et des animaux et tu as eu de nombreux chiens.

Tu t’es élancée de la Croix de Cœur en parapente en compagnie de Mima et de Sylvie…Tu as fait de la voltige en avion avec Patrick, tu as partagé la vie aventureuse de ta sœur Anne au Kenya et au Pérou … Tu n’avais vraiment peur de rien !

Après la mort de tes parents, renouant avec la tradition des Noëls à Benvenue, tu invitais toute la famille autour de la belle crèche que tu avais installée dans la cheminée du salon. Les enfants allaient grignoter en douce les sugus et les chocolats que tu cachais dans un tiroir…. à leur intention.

Pour toi, les apéritifs étaient sacrés car tu étais une bonne vivante. En vacances, quand tu avais préparé des canapés à la tapenade et autres délices et que tes petits neveux affamés tournaient comme des mouches autour de la table avec, comme tu le disais, “des mains pleines de doigts” pour piquer tes amuse-bouche, tu faisais mine d’être très énervée et tu les chassais avec de grands gestes qu’ils ne prenaient jamais au sérieux.

Tu as toujours eu une grande sensibilité pour tous les événements familiaux importants, même tristes. Nous avons encore les films des jeux que tu inventais  pour consoler le petit Eric, ton neveu du décès de son père.

Un jour, à Buchillon, tu as imaginé un scénario dont l’acteur principal était bien entendu Éric, à qui tu as donné le rôle de l’enfant kidnappé. Hélène sa sœur, jouait le rôle de la mère de famille, Carla la vendeuse du magasin de chaussures où allait avoir lieu le kidnapping, Christine était l’heureuse grand-mère qui allait retrouver son petit-fils et ton père Raoul s’est déguisé en un affreux kidnappeur que tu avais  prénommé « Monsieur Zinzin ». Tu tirais ton inspiration des nombreux polars que tu dévorais.

Lors d’une seconde production, exauçant un rêve de ton père Raoul, tu as mis en scène une vraie bataille de tartes à la crème. Feignant une scène de ménage, Raoul et Christine se disputent devant un Eric interloqué. Raoul attrape la tarte et la jette à la tête de Christine. Christine lui rend la pareille, Eric s’en prend une aussi et le film se termine dans un immense éclat de rire et de mousse blanche.

 Tu aimais taquiner les enfants et tu participais activement à leur  éducation. Pour qu’ils se tiennent tranquilles à table, tu avais expliqué à tes neveux Hélène, Laure, Eric et Gilles qui fallait avoir un “passeport-table” pour être en droit de déjeuner avec les grands. Convaincus que ce passeport était indispensable, les enfants ont accepté de se plier aux règles de bienséance que tu leur as dictées et aujourd’hui encore, ils t’en sont reconnaissants.

 En 2015, Laure et Philippe ont eu un troisième enfant et tu as accepté qu’ils lui donnent ton prénom. Grâce à la petite Alix ton prénom continuera à accompagner la famille.

 Chère Alix, ton talent d’imitation et ton humour décapant ont beaucoup égayé nos réunions familiales.  Quand tu étais vraiment en forme et suite à nos encouragements, tu acceptais de chanter un petit yodel, que tu étais la seule à pouvoir exécuter et qui nous mettait tous en joie.

 Avec ton iPhone tu participais activement au Chat familial. Tu regardais tout et commentais avec une finesse non dénuée de malice nos faits et gestes ainsi que les dernières nouvelles. Par exemple en apprenant qu’un tremblement de terre menaçait le Valais tu écrivais « Revenez à Lausanne, c’est plus calme”.

 Le 21 mars, jour du printemps, il n’y a pas si longtemps en réponse à nos nombreux vœux d’anniversaire, tu décrétais humblement qu’on te faisait trop d’honneur.

 Chère Alix, comme l’a dit ton petit neveu Raoul; « dans la mémoire de nos cœurs tu laisseras une marque indélébile ».  Nous tenions à toi autant que tu tenais à nous et nous gardons un souvenir ému de tous les moments partagés. Nous ne nous attendions pas à ce que tu nous quittes si vite, et ton absence nous pèse déjà.

 Sur ton lit de souffrances, avec grande difficulté, tu nous as dit combien tu aimais ta famille et tu as remercié tes sœurs et ton frère de ce qu’ils avaient fait pour toi. Ils en ont été émus aux larmes.

 Chère Alix, c’est ta famille qui te remercie de l’amour que tu lui as donné et des souvenirs merveilleux que tu lui laisses.