Hommages à Patrick

Hommage de sa fille Carolle

Papa chéri,

Nous avons eu la chance, de t’avoir jusqu’à tes 86 ans, mais ta disparition, n’en n’est pas moins cruelle.

Mes sœurs et moi voulions te remercier pour tous les moments fantastiques que nous avons vécus avec toi. Tu nous laisses tant de merveilleux souvenirs que nous adorons évoquer, comme ta balade, avec Isabelle bébé et maman, sur la lagune en Côte d’Ivoire, dans une barque qui prenait l’eau (heureusement, vous avez été secourus par des amis juste avant de couler !), nos safaris hebdomadaires dans les grands parcs du Kenya, nos trajets en Landrover entre Nairobi et Mombassa pour pêcher des poissons tropicaux et ramener d’énormes bidons d’eau salée pour tes aquariums, nos campings sauvages sur les plages désertes de Paracas au Pérou, nos merveilleuses navigations sur le voilier de Maxi, ton frère chéri, avec Mary, Catherine et Jacques, nos plongées en Thaïlande avec les cousins et sur la Cote d’Azur à la Gabinière avec Alix, Patrick et l’héroique Mima à la recherche des grands mérous, enfin toutes les vacances d’été au Layet, chez nos amis Berthelot, si chers à nos cœurs.

Cher Papa, tu nous as communiqué ton amour de la Nature et ta soif de voyages et d’aventures. La chaleur familiale de notre foyer, nous était d’autant plus précieuse que nous avons passé notre enfance à l’étranger, l’éloignement nous a soudés à jamais. Tu as été un père exemplaire, et ta douceur va cruellement nous manquer. Tu as perdu la vue peu à peu, mais tu ne t’en es jamais plaint. Lors de notre voyage en Tanzanie pour tes 80 ans, il te suffisait d’entendre nos commentaires enthousiastes pour profiter du spectacle. Nous étions tes yeux. Nous espérons, mes sœurs et moi, que là où tu te trouves en ce moment, tu peux enfin revoir toutes les couleurs de la vie, que tu appréciais tant. Tu as été un grand-père merveilleux. Quand ta santé a décliné, tes petits enfants venaient à chaque instant pour profiter de toi, jusqu’au bout, c’était bouleversant !  Ces moments, nous ont permis de mesurer ce que tu représentais pour nous tous.

Au fil des ans, la famille s’est agrandie, d’abord avec l’arrivée à Lima de Claudia et de sa fille Carla, ta filleule (qui a récemment épousé Hélder). Suite à nos mariages tu as eu la joie d’accueillir trois gendres ; Louis, Guillaume et Stefano pour qui tu es devenu un père d’adoption. Tu as maintenant 11 petits enfants.
Puis Joséphine nous amené François, Ils t’ont donné trois arrière-petits-enfants. Tous t’aiment profondément.

En dépit de ta maladie et de ta malvoyance, tu n’as jamais cessé de t’intéresser à tout : à la préservation de la biodiversité, aux dernières découvertes scientifiques, aux problèmes géopolitiques et à la littérature. Avec ta mémoire hors norme tu étais notre disque dur. Jusqu’à la veille de ta mort tu as dicté des articles à notre jeune et dévoué Julien.

Sur les Réseaux sociaux les associations de poissons et de conservations de la nature, tes amis, anciens collègues, et connaissances te rendent une multitude d’affectueux et impressionnants hommages. Ils parlent de ton érudition, de ton humanité, de ton sens de l’humour et de ta modestie. Quelle chance nous avons eu, d’avoir comme père, un homme de cette trempe !

Maman chérie,

Papa, c’était aussi toi. 60 ans d’amour ! Ensemble, vous formiez un équilibre parfait. Je te promets, avec mes sœurs : Isabelle et Sylvie, que tu peux compter sur nous !
Jamais nous ne pourrons remplir le vide que papa laisse mais nous ferons de notre mieux pour apaiser ta douleur.

Papa, le plus dur pour moi, sera de ne plus pouvoir prendre tes grandes mains dans les miennes, de ne plus entendre ta voix grave si réconfortante, de ne plus voir ton beau sourire.

Mais tu continueras à vivre dans nos cœurs.

Merci papa.

Hommage de son cousin Philippe

Mot d’adieu à Patrick

C’est émouvant Patrick de pouvoir te parler, cela me rapproche d’un moment intime partagé entre nous il y a bien des années.

Lors d’un séminaire à Cusco sur le développement durable, les organisateurs, découvrant que nous étions cousins, nous avaient attribué une même chambre. En tant qu’adultes c’était certainement la 1ère fois que nous partagions pour trois jours une telle intimité qui nous a rapprochés. Jusqu’alors, tu étais pour moi l’aîné de mes cousins avec qui je m’entendais bien, de profession biologiste portant un intérêt marqué pour les poissons, avec un accent prononcé pour les tout-petits, toujours difficile à distinguer dans tes aquariums… Nos échanges à Cusco nous ont rapprochés. Ils m’ont permis de mieux te comprendre et de reconnaître ta vocation de chercheur scientifique, jouissant d’une vision ample sur la nature dans toute sa diversité.

J’en ai eu une 1ère  confirmation au Pérou lorsqu’Anne et toi vous nous avez généreusement accueillis et hébergés le 1er mois de notre installation et que nous nous sommes rendus à la réserve maritime de Paracas. Lors d’une halte dans le désert, en bord de route en plein brouillard, nous avons gravi malgré la chaleur humide une petite dune pour nous dégourdir les jambes. A la vue d’une cuvette avec quelques brins d’herbe, soudain Patrick, tu t’es arrêté. Tu as commencé à nous décrire dans le détail la végétation qui persistait dans cette immensité dénudée. Ce fût un émerveillement : découvrir ton sens de l’observation, tes connaissances en botanique du littoral sud-américain, ta vision sur l’importance de cette relique végétale. Tu nous as expliqué, Patrick, qu’elle allait servir tous les 5 ans de réserve semencière lors des pluies du Niño, que certaines plantes produisaient des graines en 3 semaines. Tu nous as dit que tout ce désert allait alors se couvrir de végétation, allait attirer des petits rongeurs, puis des oiseaux rapaces et rétablir temporairement une chaîne alimentaire. Est apparu sous nos yeux un écosystème complexe en latence alors que nous pensions nous trouver dans un site désolé, sans intérêt. Ce moment m’a marqué.

 Lors de notre séjour commun au Pérou puis de tes expéditions en Amazonie, d’autres occasions m’ont confirmé tes connaissances et ton esprit d’analyse critique mais je fais un saut quelques années plus tard à Madagascar où nous avons vécu en famille une dizaine d’années et où tu es venu très souvent nous retrouver.  Tes nombreuses missions nous ont donné la joie de t’accueillir et de t’offrir notre maison comme port d’attache pour tes différentes expéditions dans l’île.

 C’est alors que je t’ai vu t’épanouir en tant qu’explorateur entièrement dédié pour quelques semaines à ta passion.

 Patrick, t’en rappellerais-tu ?

Dès ton arrivée et celle des sympathiques aquariophiles français qui t’accompagnaient, les nasses et filets pendaient au jardin ; en entrant dans les salles de bain nous découvrions que baignoires et lavabos étaient remplis d’algues et de poissons ; au sol s’accumulaient plusieurs caissons en Sagex renfermant des batraciens prévus pour le transport par avion. Au jardin les arbres se coloraient de grands caméléons interdits d’exportation qu’un membre farfelu de ton expédition espérait ramener en douce et qu’il nous a fallu redéposer dans leurs forêts d’origine.

Te voir vivre ta passion était un régal :

  • tu pataugeais dans les marais,
  • tu négociais avec des vendeurs de poissons séchés dans des petits marchés perdus dans les campagnes pour qu’ils te conduisent vers des cours d’eau ;
  • tu plongeais avec masque et épuisette dans des lacs dont certains étaient peuplés de crocodiles ;
  • plus d’une fois tu t’es envolé lors du lancer d’un filet épervier.

Le soir venu, te voir danser autour d’un feu villageois était un sourire à la vie. Cela vous aurait-il étonné Isabelle, Sylvie et Carole si vous l’aviez accompagné?

Ou saviez-vous depuis votre jeunesse que votre papa possédait un don, celui de semer le cours de la vie de moments inattendus et un talent, celui d’être partout à l’aise et de mettre ses interlocuteurs en confiance, quels qu’ils soient, de la paysanne qui t’offrait un plat de riz au ministre auquel tu demandais une autorisation d’exportation?

 Patrick, au cours de l’un de tes premiers séjours à Antananarivo, nous avons regardé en famille le journal de TV5 Monde qui informait sur la phase « tempête du désert » de la guerre du golfe. Nous étions là devant l’écran, tous ébahis et apeurés par ce reportage de CNN considéré comme le premier reportage tv en direct sur le front d’une opération guerrière. Nos enfants adolescents avaient de la peine à comprendre les raisons de cette guerre d’invasion du Koweït, les enjeux pour les pays du Golfe, le réel motif de l’intervention américaine.  C’est alors que nous avons eu de ta part, Patrick, une nouvelle révélation. Réunis autour de la table à manger tu nous as déballé avec calme un cours d’histoire captivant avec une foison de détails sur le golfe persique, plus précisément sur les émirats et leurs protectorats depuis la 1ère guerre mondiale. Une nouvelle fois tu nous avais tous, jeunes et adultes, conquis et emportés.

Patrick, tu étais certes un expert reconnu en biologie mais tu étais aussi pour nous tous un héritier de la tradition encyclopédiste et humaniste du XIX siècle, passant ta vie à t’informer, à voyager et à observer la nature et les sociétés, avec liberté de pensée et humilité. Jamais présomptueux.

Si je retrouvais l’intimité de notre chambre d’hôtel de Cusco, j’aimerais te faire part du sentiment qui me domine aujourd’hui : celui d’une grande reconnaissance. Merci à toi Patrick pour les moments de partage et réflexion. Ton regard sur la vie nous a enrichis. Ta mémoire était remarquable. Ton rire profond venait du cœur. En complicité avec Anne tu as eu le don de mettre sur notre chemin des moments insolites et généreux.

Tu as été heureux d’épouser Anne, tu as eu le bonheur d’avoir trois filles, présentes et aimantes, et tu as cultivé un lien étroit avec ton frère Maxi. Ils te sont tous restés proches. Pour toi, les derniers temps furent difficiles. Dans l’épreuve d’une santé fragilisée et de la perte de la vue, tu as portant maintenu une attitude positive et le plaisir de vivre. Nous avons admiré le soutien chaleureux et persistant d’Anne, dévouée et positive comme cela n’est pas possible, la présence affectueuse de tes filles et de leurs familles, l’accompagnement fidèle de Claudia et de Carla, l’appui constant et efficace d’Olivia et Susana. Toutes t’ont rendu l’affection que tu leur portais.

Patrick, ton engagement pour la vie et l’écologie restera ; tes petits-enfants ont pris le relai,…ils sont nombreux…

Mes pensées, celles d’Ellen et celles de nos enfants t’accompagnent en ce dernier voyage.

Dans ma famille, nous pensions à toi comme à une statue des îles de Pâques, une présence qui traverse les siècles pourtant il faut se dire adieu.

 Adieu cousin, adieu grand frère.

Hommage de ses amis Yves et Dosithée Berthelot

Patrick,

L’amitié que Dosithée et moi avons pour Patrick et Anne date des années 1960. Elle est née en Côte d’Ivoire, s’est renforcée au Pérou et au Kenya, puis au cours de voyages en Birmanie, en Chine, en Équateur et en Toscane. Elle s’est étendue au fil des temps à Isabelle, Sylvie et Carole et à leurs enfants ainsi qu’à Maxi et Mary à l’occasion de nos séjours à Verbier et des leurs au Layet. Quelle joie pour nous de savoir que Le Layet était devenu pour chacun le lieu de leurs vacances familiales d’été et ces dernières années que Patrick, entouré de toute sa tribu, y retrouvait force.

« La sagesse commence par appeler chaque chose par son vrai nom ». Sans nous être dit formellement ce proverbe chinois, Patrick et moi en partagions le sens. Ce besoin de donner un nom à ce que nous avions vu lors de nos promenades, nous était tout naturel. C’était comme la nécessité de ne pas être passés sans l’avoir vue, à côté d’une de ces merveilles de la création évoquées dans le beau psaume que nous venons d’entendre. Si j’avais quelque avantage pour les oiseaux, Patrick était omniscient pour les poissons dont il nous a encore parlé l’année dernière avec tant d’émotion, mêlant dans son propos la joie de ses découvertes et le souvenir des amis qui l’accompagnaient. J’ai besoin de livres pour déterminer arbre, fleur, insecte mais il suffisait à Patrick devenu presqu’aveugle de caresser une feuille ou une fleur pour la reconnaître et la nommer ! En descendant, tout à l’heure, le charmant chemin de la Ficelle, bordé d’une double rangée de petits arbres couvrant le sol de leurs jolies feuilles d’or, je pensais à Patrick, regrettant qu’il ne fût pas à mes côtés. Il m’en aurait dit immédiatement le nom. Désormais, j’aurais recours au gros volume de la Flore de Suisse qu’il m’a offert dès sa parution.

J’aimais Patrick pour sa merveilleuse personnalité et, aussi, parce que j’étais sûr en lui proposant une idée ou une opinion, surtout si elle était largement partagée – comme par exemple la responsabilité de l’homme dans le réchauffement climatique – j’étais sûr qu’il développerait aussitôt plein d’objections intelligentes et pertinentes, un peu par principe, mais surtout parce qu’il ne pouvait prendre pour argent comptant ce qui fait consensus : précieuse lucidité et subtil humour de Patrick.

Nos enfants et mes frères et sœurs nous ont écrits des mots de réconfort lorsqu’ils ont appris la disparition de Patrick ; ils sentaient que nous étions privés d’une amitié profonde et cela nous a touchés. Oui, aujourd’hui nous sommes tristes avec toi Anne, avec vous tous, mais, demain, chaque fois que nous penserons à Patrick ce sera toujours un moment de bonheur.

Yves et Dosithée